Avec près de 5 millions de cas recensés chaque année, le paludisme représente un immense défi de santé publique pour la Côte d’Ivoire. Face à ce fléau, la capacité à assurer un suivi rapproché et une gestion rigoureuse des personnes infectées apparaît comme une priorité absolue. Objectif : circonscrire au maximum les risques de complications graves, tout en freinant la transmission au sein des communautés.
Décryptage des différentes stratégies déployées pour y parvenir, des zones urbaines aux régions les plus reculées du territoire ivoirien. Un combat de terrain qui mobilise tous les acteurs, des autorités sanitaires nationales aux équipes soignantes de proximité.
Le dépistage de masse : une arme de détection précoce
Outil indispensable à la gestion des cas, le dépistage du paludisme à grande échelle constitue la pierre angulaire des programmes nationaux de lutte. En Côte d’Ivoire, plusieurs stratégies coexistent avec pour objectif commun d’identifier au plus vite les personnes infectées, y compris les plus asymptomatiques.
Dans les zones à fort risque de transmission comme l’ouest forestier, les campagnes de dépistage de masse sont régulièrement menées par les équipes mobiles du ministère de la Santé et de l’Hygiène publique. Elles consistent à réaliser des tests de diagnostic rapide (TDR) sur l’ensemble de la population, village après village, pour traiter immédiatement les cas positifs.
En milieu urbain et périurbain, les opérations «prudemment» sont privilégiées. Tous les habitants d’un quartier donné sont invités à se faire systématiquement dépister au niveau des centres de santé de proximité. Une méthode qui a fait ses preuves à Abidjan avec la mobilisation des communautés et le soutien des ONG locales.
Enfin, dans certaines régions rurales enclavées, le dépistage proactif repose sur la formation de relais villageois. Sélectionnés au sein de leurs communautés, ces agents de santé communautaires effectuent un suivi continu des cas fébriles pour les aiguiller au plus vite vers les centres de soins.
Un parcours de soins mieux structuré
Une fois le diagnostic confirmé, le défi consiste à maintenir un suivi régulier du patient jusqu’à sa guérison complète. Avec pour maîtres mots : rapidité, observance et prévention des rechutes. Un processus encadré avec rigueur par les autorités sanitaires ivoiriennes.
Au niveau des formations sanitaires de premiers recours de type centres de santé ruraux ou centres de santé urbains, tout paludisme simple est immédiatement pris en charge par l’administration du traitement selon les protocoles en vigueur en Côte d’Ivoire : les combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (CTA).
Le patient est ensuite invité à revenir pour une consultation de contrôle entre le 3ème et 7ème jour afin de vérifier l’efficacité du traitement et l’absence de rechute. En cas de persistance de la fièvre et des symptômes, de nouvelles analyses sont prescrites.
Pour tous les cas sévères de paludisme grave ou de neuropaludisme, une hospitalisation d’urgence est requise pour initier sans délai un traitement intraveineux intensif à l’artésunate et stabiliser l’état du patient. Une fois le stade critique franchi, la prise en charge se poursuit sous surveillance médicale rapprochée pour prévenir toute complication.
Éviter la transmission : l’arme de la chimioprévention
Parallèlement, les équipes sanitaires ivoiriennes mettent l’accent sur la stratégie dite de « chimioprévention du paludisme ». L’objectif : couper au maximum les chaînes de transmission du parasite en s’attaquant aux principales sources et réservoirs.
La première cible : les femmes enceintes. Particulièrement vulnérables et exposées en contexte d’endémie palustre, elles bénéficient systématiquement d’un traitement préventif intermittent (TPIg) dès le deuxième trimestre de grossesse. À raison d’une prise mensuelle d’acide sulfadoxine-pyriméthamine (SP) jusqu’à l’accouchement, celui-ci permet de réduire significativement les risques de paludisme maternel et infantile, mais aussi de complications obstétricales.
Les jeunes enfants (3 à 59 mois) sont également concernés pendant la saison des pluies propice aux pics de transmission. Par vagues saisonnières, ils reçoivent jusqu’à 4 doses de SP associé à de l’amodiaquine aux fins de chimioprévention du paludisme.
Enfin, la stratégie de la « chimioprophylaxie du voyageur » a été mise en place pour protéger les personnes originaires de zones à plus faible risque de transmission, qui se rendent dans les régions hautement impaludées pendant la saison des pluies. Par exemple, les élèves et étudiants originaires d’Abidjan amenés à rentrer dans leur village natal à l’ouest pendant les vacances scolaires. Ils bénéficient alors d’un traitement antipaludique mensuel de type CTA durant toute la durée de leur séjour.
Le suivi à domicile : développer la proximité
Pour pallier les difficultés d’accès aux soins et rapprocher la lutte des populations, la Côte d’Ivoire développe activement la stratégie du suivi à domicile des cas de paludisme. L’implication d’agents de santé communautaires formés et déployés sur le terrain revêt un rôle essentiel.
Dans les zones rurales enclavées notamment, ces relais locaux sont chargés de rendre visite aux patients dépistés positifs à intervalles réguliers afin de :
– Contrôler l’observance du traitement prescrit
– Évaluer l’évolution des symptômes
– Prodiguerconseilsetrecommandations
– Alerter si besoin la formation sanitaire de référence en cas d’aggravation
À l’inverse, dans les zones urbaines où prédomine le phénomène de l' »automédication sauvage », ces agents communautaires ont pour mission de sensibiliser la population et de l’orienter vers les soins appropriés.
Au plus près des réalités du terrain, cette approche participative permet de créer un maillage de micro-acteurs essentiels de la lutte antipaludique et de remporter de précieuses victoires sur le fléau.
Quel que soit l’angle d’attaque adopté, la gestion concertée et le suivi rigoureux des cas de paludisme reste l’unique voie pour espérer éradiquer un jour cette maladie dévastatrice. En Côte d’Ivoire comme ailleurs, mobiliser toutes les forces vives demeure la priorité absolue.
Mme. Viviane Ouattara est une éminente chercheuse en santé publique dont le travail se concentre sur l'impact du paludisme sur les communautés africaines les plus vulnérables. Grâce à ses recherches approfondies et à sa collaboration avec des ONG locales, elle apporte à zeropaludisme.com une connaissance précieuse sur les méthodes de prévention et de traitement les plus efficaces, tout en plaçant l'humain au cœur de la lutte contre le paludisme.
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